mardi 13 décembre 2011

Le train FCE : Fianarantsoa - Manakara





La seule ligne de train de Madagascar fonctionnant à peu près normalement ! C'est un train de marchandises et de voyageurs. Une voie construite au début du XXe siècle lors de la colonisation. Certains rails datent de 1896 ! 170 km avec 21 tunnels et 42 ponts sur 1200 m de dénivelée !

Une aventure inoubliable : partis de Fianarantsoa à 9h 00 (départ prévu à 7h 00), nous sommes arrivés à Manakara sur la côte Est, ravis avec des visages et des paysages plein la tête, à 21h 00 ! Le convoi s'arrête dans chacune des 17 gares. L'arrêt est de durée très variable, de 10 mn à plus d'une demie-heure !







Il s'agit de débarquer les différentes marchandises : provisions, vêtements, matériaux divers, outils… et il faut peser, monnayer, marchander. Pour la plupart des villages, le train est la seule voie de communication !


Les petits vendeurs en profitent pour proposer des fruits de saison (bananes, pomme cannelle), des samoussas, des beignets. Et chaque région ayant sa spécialité culinaire, il est possible de savourer le poulet grillé à Ampitabe, les écrevisses à Ranomena, les beignets de banane à Tolongoina… Et on peut se désaltérer avec des bières fraîches ! Et on peut aussi faire provision de la très bonne vanille de Madagascar, de poivre, de piments… Une ambiance joyeuse, un autre rapport au temps !




Pour quels fruits, pour quelles grappes
tombées dans l'herbe
et cachées par les ramilles ?

Entre des mains calleuses
et rudes comme du pain
dévoré par le soleil,
des mains faites de doigts palmés
sans couleur,


voici des myriades de torches
à la recherche de ce qui fut perdu
sur la terre et qui germe
au milieu de la prairie de chiendents
qu'est devenu
tout ce que peut embrasser le regard ?



Traduit de la Nuit / Nadika Tamin'Ny Alina

Jean-Joseph Rabearivelo




Ronde pour mes enfants présents

— Que nous rapportera-t-il, notre père,
de son voyage de demain ?

— Solofo je suis, donc une pousse neuve,
une pousse neuve au pied de l'arbre :
je désire une pousse de roseau
avec du miel épais dedans.



— Sahonda je suis, donc une fleur,
une fleur qui dépasse l'herbe :
je désire des fleurs en grappe
que je mettrai dans mes cheveux.

— Voahangy je suis, donc des perles de corail
de grosses perles de corail :
je désire des coraux de pourpre
à enfiler au collier de mon nom.


— Notre père nous apportera
une pousse enroulée de grappes corallines.



Presque-Songes / Sari-Nofy

Jean-Joseph Rabearivelo

lundi 12 décembre 2011

Tana… Tulear… RN 7…


Qui n’a jamais fait le voyage Tana/Tulear en descendant la Nationale 7, ne connaît pas vraiment Madagascar ! Sur plus de 1000 km, des hauts plateaux aux bords du Canal du Mozambique, sous le Tropique du Capricorne exactement, nous découvrons des paysages, rencontrons des enfants, beaucoup d’enfants, des hommes et des femmes courageux et dignes, et croisons des troupeaux de zébus, beaucoup de zébus…

En compagnie de Zhou (guide et chauffeur) et de sa Mitsubishi, pendant deux semaines, nous
roulons sur ce ruban de bitume parfois déchiré, sur des pistes poussiéreuses avant de faire halte dans des villages animés, dans des cirques de silence ou des lambeaux de forêt… En effet, la Grande Île (plus grande que la France !), l’Île Verte devient de plus en plus l’Île Rouge ! Cette perle de l’Océan Indien, riche de sa nature et de ses hommes, brûle lentement ! Les pratiques ancestrales du brûlis mangent un peu plus chaque jour les derniers hectares de la forêt primaire.

Deux semaines denses, d’émerveillement, de rencontres, de découvertes… Partis de la
capitale Tananarive (avec ses douze collines sacrées de l’Imerina), nous mettons le cap vers les Hautes Terres, l’épine dorsale de l’île. Ce sont les terres des groupes ethniques Merina et Betsileo mais aussi la région la plus froide de Madagascar : l’hiver austral flirte avec le zéro Celsius ! Très vite, en route vers Antsirabe (à plus de 1400 m d’altitude), Ambositra et Fianarantsoa pour admirer les rizières en terrasse sculpter les collines.

Le riz est la base de la nourriture de la population ; on le retrouve dans les deux plats nationaux : le romazava (bouillon à base de
viande de zébus et de brèdes) et le ravitoto (ragoût de porc mijoté avec des feuilles de manioc pilées)… Et surprise, fraises, carottes, choux sont vendus sur les bords de la route ; tout pousse à cette altitude tropicale : asperges, haricots, petits pois, tomates, abricots, pêches, poires, pommes et vigne… Et nous dégustons un excellent foie gras ! Plusieurs fois ! Et des écrevisses ! Quant au vin local, nous restons sur notre étonnement…

À Fianar, ville carrefour, nous quittons la RN7 pour descendre vers le Sud Est. Deux journées très particulières avec le célèbre
train FCE pour rejoindre Manakara sur la côte Est et le Canal des Pangalanes. 163,5 km en 12 h 15 mn !!! Lever à 5 h 30 pour un départ du train prévu à 7 h qui retrouve sa loco BB 242 de 1956 à 8 h 45 ! Mais quel voyage ! Loin du TGV climatisé et ravageur, nous paressons sur les pentes de théiers, de rizières avant de partager les beignets à la banane, aux brèdes, les nougatines et les bières THB rafraîchissantes… Le lendemain, dès l’aube avec Naëlle et Olivier, nous glissons sur le canal dans une pirogue avec Mosa et son équipage aux avirons… Rencontres avec les pêcheurs sur la plage avant de déguster
poissons et crustacés…

Retour vers les hauts plateaux. Depuis Manakara peuplée en majeur partie de l’ethnie Antemoro, nous rejoignons Ranomafana («eau chaude») et son parc national : grande diversité d’espèces animales (12 espèces de lémuriens) et végétales (des centaines d’espèces d’orchidées). Dans un décor de western, nous quittons la 7 pour 20 km de pistes en direction du massif de l’Andringitra : un monde minéral splendide nous accueille. Deux jours à Camp Catta, au pied de la falaise du Tsaranoro et du Karambony où vivent en liberté des
colonies de lémurs catta. Envie de rester dans cet univers de paix…

Nationale 7… Passage des légendaires portes du Sud et traversée du plateau de Horombe en direction de Ranohira et du Parc d’Isalo : le «Colorado malgache». Belle randonnée avec baignades dans les piscines naturelles et couchants à la Fenêtre de l’Isalo ! La plaine des baobabs et Sakaraha (plaque tournante du trafic de saphir) sont avalées avant de descendre sur Tulear, terminus de la RN7… Et nous avons encore des images et des visages et des lumières à partager…

« Ne faites pas de bruit, ne parlez pas :
vont explorer une forêt,
les yeux, le cœur, l’esprit, les songes… »


Jean-Joseph Rabearivelo (1901-1937)
Écrivain malgache